J’ai rencontré Henri Galtier à l’été 2021. Il habite à Lunas, un très beau village dans l’Hérault. Juste derrière sa maisonnette, intriquée dans un quartier aux ruelles moyenâgeuses, nous apercevons des façades de commerces ainsi que des mannequins installés sur un coteau dont il est propriétaire. Henri Galtier ne souhaite pas me faire voir de plus près sa bourgade miniature car il aimerait lui donner un coup de jeune avant de reprendre les visites. Il ne compte pas pour autant la laisser à l’état d’abandon. Il espérait pouvoir la restaurer cette année. Les figurines grandeur nature évoluent sur un flanc de colline et illustrent divers corps de métier. Elles sont mises en situation dans leur environnement : serveur, gendarme, lavandière, boulanger, apiculteur, médecin, pompier, épicier…Une quarantaine de personnages à taille réelle ont été figés dans leur mouvement. La liste est longue car c’est tout un village qui est ici représenté, le village occitan de Camarière, comme l’indique un panneau. Quel est ce village ? S’agit-il d’un village imaginaire ? Henri Galtier a quitté son village natal pour gagner sa vie et exercer divers métiers. Il a notamment été mineur dans le nord de la France. C’est au moment de prendre sa retraite qu’il a décidé de retourner vivre à Lunas. Le souvenir de ce village qu’il retrouve 40 ans après a toujours été vivace. C’est en rentrant au pays qu’il décide de raviver ce joyeux souvenir.
Le village a sans doute bien changé après tant d’années mais sa mémoire est restée intacte. Ce petit village perché sur les hauteurs de Lunas est une maquette géante de ce qu’était le bourg dans sa jeunesse. On contemple au loin cet environnement paisible, ou tout semble si harmonieux. C’est un peu comme un mirage, ou les gens mènent une vie tranquille, ou chacun vaque tranquillement à ses activités. Il y a de la place aux loisirs puisqu’on retrouve des joueurs de pétanque, des joueurs de badminton, une scène de bal avec des musiciens. Ces saynètes me rappellent ma propre enfance, lorsque je me plaisais à concevoir pendant des heures des décors champêtres idylliques propices au jeu au travers de petites maquettes et de dessins.
Henri m’a finalement assez peu parlé de son village de Camarière, en revanche il a tenu à me faire découvrir sa crèche ainsi que son atelier de peinture. La crèche se trouve dans une petite salle sombre sans fenêtre en face de l’entrée de la maison. En entrant dans cette pièce (qui s’apparente davantage à une grotte encastrée), Henri m’explique qu’il est croyant et qu’il a souhaité illustrer sa propre vision du mystère de la naissance de Jésus. On entre dans la pénombre, Henri branche une prise et là tout s’illumine. Des centaines de personnages, d’animaux évoluent dans un village miniature. La crèche ne se réduit pas à la représentation d’une arche et à son iconographie traditionnelle. On y découvre tout un microcosme de personnages insérés dans un environnement rural : Moulins à vents, attelages divers, calèches, paysans, petits ponts de pierre. Le décor occupe toute la pièce. Une arche de Noé peuplée de nombreux petits animaux taillés dans le bois s’insère également dans le décor. Henri Galtier a tout sculpté et façonné. Les seuls matériaux récupérés sont quelques cailloux (pour les rochers), des pommes de pin pour les arbres et de la végétation. Tout va très vite au cours de la visite…il ne tient pas à s’attarder sur la description de ces réalisations. Il répond de manière assez laconique lorsque je lui pose des questions. Il est à la fois amusé et content de pouvoir faire visiter sa crèche et son atelier mais ne ressent pas l’envie de développer davantage.
A l’image du village de Camarière, cette crèche au réalisme analytique, n’est pas sans rappeler l’œuvre des primitifs flamands du 15e siècle qui s’attachaient à dépeindre la vie quotidienne à travers une profusion de détails et transposent le sacré dans le réel du quotidien de l’époque pour un vision plus immédiate du monde physique. Les humbles et les animaux sont mis à l’honneur et vivent dans une quiétude arcadienne.
Nous passons ensuite à la visite de l’atelier qui se trouve dans une pièce attenante à sa maison. Henri continue de peindre encore aujourd’hui et se retrouve chaque jour dans ce petit atelier musée. Les murs sont couverts de tableaux qu’il a réalisés. Il a construit des étagères pour y déposer des statuettes et figurines qu’il a lui-même sculptées. On aperçoit également une rangée de bâtons de bergers taillés. Un portrait peint de Vincent Van Gogh est posé contre la paroi rocheuse de la pièce. Une petite maquette du « bol d’or des 7 nains » (course de nains juchés sur des ânes) retient particulièrement mon attention. Je demande à Henri si je peux lui acheter cette œuvre mais il souhaite la garder. Il me dit que je peux acheter autre chose, alors je regarde attentivement autour de moi et lui montre une autre figurine : « Ah non j’y tiens à celle-là », « Je ne pense pas vouloir m’en séparer ». Je lui désigne alors une peinture et il me dit : « Allez, je vous l’offre celle-ci ». Je refuse et insiste en lui disant que je désire réellement acquérir une œuvre alors il me demande de choisir une 2e peinture. J’en choisis une autre mais Henri souhaite me l’offrir également. Apparemment tout dépend des gens qui viennent lui rendre visite : si certaines personnes ne lui plaisent pas alors il ne vend pas ou n’offre pas. En revanche s’il vous a en sympathie, il est difficile de lui acheter quelque chose et il souhaite vous offrir les œuvres dont il consent à se séparer.
Henri est joyeux mais taiseux et son regard malicieux en dit long sur la passion qui l’anime. Son atelier est chargé mais tout est bien ordonné et classé par catégories. Ses pinceaux et ses outils sont parfaitement disposés sur son plan de travail. Cette visite s’est faite en une dizaine de minutes mais j’ai ressenti en peu de mots, à son regard et à ses expressions, toute l’ivresse créatrice qui l’habite. Certaines visites se passent souvent de longues explications mais l’émotion n’en est pas moins vive. Cette foi qui l’anime lui donne une vitalité extraordinaire. Henri referme alors la porte de son atelier, prend congé de moi et s’en va à la hâte tel un enfant.
Henri Galtier et le village occitan de Camarière
34650 Lunas
Le site n’est pas ouvert au public, mais vous prouvez avoir un aperçu du village de Camarière depuis la route de Nize
Visite virtuelle ici